Ils ont bien compris qu’ils n’emporteront pas leur argent dans leur tombe, et que leurs héritiers sont déjà à l’abris. « Ils », ce sont ces hommes et ces femmes philanthropes qui ont décidé de faire don de leur fortune. Quand ce ne sont pas les milliardaires, les personnalités se servent de leur notoriété pour répandre le bien. Qui donne vraiment ? Qui ne joue pas le jeu ? Enquête.
« Aucun homme ne peut devenir riche sans enrichir les autres. » Cette phrase prononcée il y a plus d’un siècle par le magnat de l’acier Andrew Canergie a certainement posé les bases de la philanthropie aux Etats-Unis. « L’homme qui meurt riche meurt déshonoré » avait-il également dit. C’est en partie grâce à lui et à sa force d’inspiration que les Etats-Unis ont les plus beaux musées – souvent gratuits, les plus belles bibliothèques et les meilleures universités.
Des dizaines de milliardaires dans le monde ont adopté sa philosophie, donnant de leur vivant ou à leur mort leurs richesses à des centaines de causes. Mais concrètement, combien donnent ces personnalités richissimes ? Qui sont-elles ? Que font-elles pour réellement pour faire bouger les choses ? Quelles causes sont les plus supportées ?
Multi-milliardaires
Bill Gates, le philanthrope bienfaiteur
Crédit photo: Wikimedia – Sebastian Derungs
Alors qu’il est surtout connu pour être le co-fondateur de Microsoft, Bill Gates consacre désormais la plupart de son temps à la philanthropie, s’occupant de la Fondation Bill & Melinda Gates aux côtés de sa femme. La fondation délivre des subventions pour des initiatives et programmes à travers le monde, en mettant l’accent sur la lutte contre la pauvreté et les recherches dans les domaines de la santé. Depuis sa création en 2000, la fondation a déjà consacré 33,5 milliards de dollars à des campagnes sanitaires notamment auprès de l’OMS, l’UNICEF ou encore le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Sur le plan personnel, Bill Gates est également généreux: il a distribué plus de 28 milliards de dollars au cours de sa vie. De plus, il a lancé en 2010, aux côtés de Warren Buffet, la campagne « The Giving Pledge » (« la promesse de don »), un programme par lequel des individus fortunés, du monde de la tech et d’ailleurs, s’engagent à donner au minimum 50% de leur fortune à des œuvres caritatives. À ce jour, 154 riches signataires (dont Richard Branson, David Rockefeller, Elon Musk, Mark Zuckerberg pour ne citer qu’eux) de seize nationalités différentes ont répondu à l’appel de Bill.
Warren Buffet, l’autre altruiste
Crédit photo: Wikimedia – Pete Souza
Président et Directeur général de la holding Berkshire Hathaway, Warren Buffett est non seulement le troisième homme le plus riche au monde, mais il est aussi l’un des plus généreux. Il a lancé en 2010, avec son ami Bill Gates, « The Giving Pledge » (voir plus haut). En 2006, « l’oracle d’Omaha » a promis de faire don de 85% de sa fortune à la Fondation Bill & Melinda Gates, ainsi qu’à d’autres fondations, après sa mort. Au cours de sa vie, il a déjà fait don de 21,5 milliards de dollars, dont 2,8 milliards l’an dernier. Ses héritiers, qui prendront le reste, n’ont pas de quoi être inquiets: sa fortune a été estimée à 72,7 milliards de dollars par le magazine Forbes en 2015.
Al-Walid Ben Talal, Chuck Feeney, Manoj Bhargava, Ted Turner et les autres…
Crédit photo: The Giving Pledge
Plus de 150 milliardaires ont signé la « promesse de don » de Bill Gates et Warren Buffett. On ne va donc pas tous les citer. Mais certains cas ont particulièrement retenu l’attention, à commencer par Chuck Feeney. Celui que l’on surnomme le « James Bond de la Philanthropie » est aussi appelé le « milliardaire qui voulait faire faillite ». Il a donné, via sa fondation « The Atlantic Philanthropies », la somme de 6,3 milliards de dollars à l’éducation, la science, l’accès aux soins et aux droits civiques aux Etats-Unis, au Vietnam, en Irlande et en Afrique du Sud. Aujourd’hui, il ne lui reste « plus que » 1,5 million de dollars en poche.
L’an passé, le prince saoudien Al-Walid Ben Talal a annoncé qu’il allait céder toute sa fortune à une fondation philanthropique: 32 milliards de dollars (!) qui aideront « à jeter des ponts entre les cultures, développer les communautés, promouvoir les droits des femmes, aider les jeunes, fournir des secours en cas de catastrophes naturelles et créer un monde plus tolérant ».
Manoj Bhargava est le CEO de 5-Hour Energy, une société qui vend des boissons énergisantes. En signant « The Giving Pledge », il a préféré donner plus de 90% de sa richesse plutôt que de « ruiner [son] fils en lui léguant tout ». Sa fondation a supporté plus de 400 projets à ce jour, notamment pour améliorer les écoles et les hôpitaux, et faire progresser l’éducation et la carrière professionnelle des femmes dans l’Inde rurale. Autre domaine d’intérêt: l’environnement. Sa fondation tente en effet de réduire les émissions de combustibles fossiles de 50%.
En 2015, Business Insider a dressé deux classements (ici et là), dans lesquels vous pouvez retrouver d’autres grands philanthropes.
Alexandre Mars – Crédit photo: Capture d’écran YouTube
Et les Français dans tout ça ? Ils se foutent de la charité !
En 2014, dans un rapport World Giving Index, qui classe les états selon la générosité, la France n’apparaissait qu’en… 90ème position. Le peu de milliardaires français que nous avons ne se distinguent donc pas par leur générosité. Contactées par Libération en 2010, les grandes fortunes françaises préfèrent ignorer l’appel à la philanthropie de leurs homologues américains Bill Gates et Warren Buffett. Le journal avait noté que seul Xavier Niel, le patron de Free, refusait l’héritage, car pour les enfants « au-delà d’un certain montant, l’argent est plus une charge qu’une chance. »
Xavier Niel fait d’ailleurs parti des entrepreneurs du Web qui se mettent à la philanthropie. Ce dernier a créé l’école 42 à Paris, entièrement gratuite, et est en train d’en construire une autre en Californie.
On peut aussi compter sur Jean-Baptiste Descroix-Vernier, de Rentabiliweb. Il construit des puits en Afrique, s’occupe de SDF en France, aide la recherche sur les maladies dégénératives…
Enfin, dernier mousquetaire altruiste, Alexandre Mars. Cet entrepreneur est du genre à vérifier où vont ses dons. Il a mené une étude de marché, interrogé des fondations comme celles de Bill Gates, de Google, et a parcouru le monde pour rencontrer des ONG, avant d’identifier son créneau et de créer sa fondation, Epic. Chaque année, il sélectionne les 20 meilleures ONG car il est convaincu que les millionnaires (et les autres) donneraient beaucoup plus d’argent s’ils pouvaient choisir leur sphère d’action, suivre précisément l’utilisation de leurs dons et avoir un retour d’expérience chiffré.
Personnalités
Les milliardaires sont certainement les personnes sur Terre a avoir l’impact le plus significatif, par leurs dons, sur des projets concrets comme la recherche de vaccins ou d’aide pour les plus démunis dans le monde. Mais ils ne sont pas les seules personnalités à agir. D’autres se servent de leur charisme et de leur notoriété pour mettre en lumière des problèmes majeurs de notre société ou de notre planète.
Crédit photo: Wikimedia – Georges Biard
C’est notamment le cas de Leonardo DiCaprio. En septembre 2014, l’acteur américain Leonardo DiCaprio est nommé par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon « messager de la paix » des Nations unies avec pour priorité la lutte contre le réchauffement climatique. Si « Leo » adore voyager et prend régulièrement l’avion, parfois inutilement, son dévouement pour l’écologie fait du bien. En 2013, il avait donné 3 millions de dollars pour sauver les tigres au Népal; en 2014, c’était 7 millions de dollars pour la sauvegarde des océans; en 2015, il avait réunit 40 millions de dollars pour protéger la planète. Tout récemment, après avoir de nouveau récolté 40 millions de dollars, l’acteur américain a annoncé qu’il ferait un don à Give for France, le programme de la Fondation de France dédié aux familles des victimes et aux survivants de l’attentat de Nice.
Egalement au premier plan des personnalités qui s’engagent, Bono se bat pour annuler la dette des Pays du Tiers-Monde. Mélanie Laurent se joint à diverses organisations qui agissent pour l’environnement. Elton John, JK Rowling, Mel Gibson, George Lucas, Albert de Monaco… bref, de nombreuses stars sont impliquées et engagées pour la planète, le droit des enfants et bien d’autres causes louables.
Crédit photo: Wikimedia – Ruben Ortega
Carton rouge
Ils sont ultra-riches, mais donnent peu, ou pas du tout. Pire, ils donnent pour défiscaliser. Ils sont notre carton rouge :
Oui, Mark Zuckerberg a signé « The Giving Pledge ». Oui, Mark Zuckerberg a déjà donné 1,6 milliards de dollars dont 25 millions pour combattre Ebola et 75 millions au profit d’un hôpital de San Francisco. Mais en fin d’année 2015, il annonce qu’il va donner 99% de ses actions personnelles Facebook à une fondation qu’il vient de créer, appelée la Chan Zuckerberg Initiative. Sauf que la « montage de sucre » (Zuckerberg en allemand) ne donne pas à une fondation: il investit dans une entreprise. Il s’agit d’une LLC, soit Limited Liability Company, à la fiscalité flexible et souple, mais qui est imposable. Cela ressemble plus à un fonds d’investissement dans des actions que le « Zuck » affirme caritatives. Sa fondation sera donc en mesure de dépenser son argent comme elle le veut, y compris dans l’investissement privé, comme dans des startups générant des profits.
Les sportifs en général gagnent beaucoup d’argent. Et les sportifs en général donnent peu. À commencer par Cristiano Ronaldo, un homme qui a gagné 77,2 millions d’euros en 2015. Pourtant, il n’a donné que 60.000€ pour financer l’opération d’un bébé espagnol, et 149.000 € au centre de recherche contre le cancer au Portugal. Cela représente 0.27% de ses revenus annuels. Peut mieux faire. Et non, il n’a pas donné 7 millions d’euros aux victimes du tremblement de terre au Népal.
Quand à Lionel Messi, il aurait offert un chèque de 450.000 euros à l’Unicef. Il a certainement dû lire cette page avant de donner.
D’accord, les sportifs et autres millionnaires donnent régulièrement, et c’est bien. Mais certains, comme ceux cités, le font uniquement dans le but de se faire une image qui leur sera profitable, soit pour défiscaliser leur patrimoine…
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