Des attaques simultanées et menées par plusieurs tireurs: les services antiterroristes craignaient ce scénario-cauchemar, qui s’est déroulé vendredi à Paris.
Des attaques simultanées sur plusieurs cibles par des hommes armés et des kamikazes travaillant à l’unisson: un scénario cauchemardesque que les services anti-terroristes de la France redoutaient depuis des mois s’est réalisé à Paris vendredi soir. Les responsables et les experts avaient prédit qu’une attaque sans précédent se préparait, et qu’elle serait quasiment impossible à déjouer.
Hier soir, l’état d’urgence a été décrété dans la capitale et sur tout le territoire par le président François Hollande dans un discours télévisé.
« Des gars décidés, prêts à mourir, qui ont étudié la cible et sont solides du point de vue opérationnel peuvent faire très mal. », déclarait récemment à l’AFP Yves Trotignon, qui travaillait pour les services anti-terroriste de la DGSE. « Le nombre de jihadistes vétérans augmente tous les jours. Face à ça, il faut bien le dire, les services sont submergés ».
120 morts, 200 blessés
Huit assaillants, un mélange d’hommes armés et de kamikazes, ont tué plus de 120 personnes et blessé plus de 200 autres dans des attaques simultanées à six endroits parisiens populaires tard vendredi soir.
Les cibles comprenaient le Bataclan et des restaurants autour du Stade de France, où le match de football amical France-Allemagne était en cours.
Également touché, un restaurant dans un quartier parisien animé près de Place de la République, non loin des bureaux du journal satirique Charlie Hebdo, où 12 personnes avaient été abattues en janvier.
Une attaque de cette ampleur redoutée depuis des mois
Les événements du vendredi 13 novembre 2015 étaient exactement le genre d’attaques simultanées que les autorités redoutaient. Jusqu’à présent cette année, elles avaient eu la chance en quelque sorte: plus d’un bain de sang potentiel a été empêché par incompétence de l’assaillant.
En avril, un étudiant en informatique algérien, Sid Ahmed Ghlam, a été arrêté après qu’il se soit tiré une balle dans la jambe par accident, ce qui a conduit la police à découvrir qu’un attentat était prévu sur une église de Villejuif.
Et en août dernier, deux militaires américains hors-service et un ami avaient maîtrisé un homme armé qui avait ouvert le feu sur les passagers d’un train Thalys entre Amsterdam et Paris.
La carte des attaques de Paris du 13 novembre 2015:
Aguerris et formés
Mais l’aubaine des services anti-terroristes s’arrête là. Face à des terroristes revenant des zones de guerre aguerris et bien entraînés, il fallait s’attendre à un attentat, cette fois bien orchestré.
« Le thermomètre grimpe. Aujourd’hui, leur but est de tenir dans le temps, pour que les médias puissent s’accrocher à l’événement, le diffuser en direct pour un maximum de publicité », confiait récemment à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un haut responsable de la lutte antiterroriste. « Nous craignons désormais des attaques à la kalachnikov, qui vont durer ».
Il avait ajouté: « S’ils s’enferment dans un grand magasin, c’est le cauchemar pour les trouver. Rien que pour savoir combien il y a de tireurs, puis pour les trouver, les neutraliser, il faut des heures. Le jour où on tombe sur deux bons vétérans des combats en Syrie, on est mal ».
Et ils reviennent au pays en si grand nombre qu’il est impossible de garder un œil sur eux tous. Plus de 571 djihadistes français sont partis combattre en Syrie et sont autant de bombes à retardement à leur retour.
« Le danger vient d’une équipe plus ou moins grosse de gars qui viennent de théâtres d’opérations où ils se sont aguerris, peut être la Syrie, peut être la Libye, le Yémen, qui trouvent les armes sur place (en France) et passent à l’action », expliquait Yves Trotignon.
Tous les services étaient sur les dents
Depuis le meurtre en janvier 2015 de 17 personnes dans des attaques conjointes sur Charlie Hebdo et une épicerie casher de Paris, les services anti-terroristes, les renseignements, la police et les services de secours s’entraînaient pour un autre assaut sur plusieurs fronts.
Comme les services anti-terroristes du monde entier, les experts français ont étudié de près les attentats de Bombay en novembre 2008, dans lesquels 10 assaillants ont frappé cinq endroits différents simultanément, tuant environ 170 personnes.
Mais même en étant prêts, les experts conviennent qu’il y aura toujours un élément de surprise.
Crédit photo principale : Flickr – Olivier Ortelpa