Une publicité de mode impensable il y a de cela quelques années s’affiche cet été : une jeune femme sourit à l’objectif, exposant un fessier sur lequel on entraperçoit de la cellulite. Charli Howard, activiste body positive, exprime sa colère envers l’agence qui lui imposait de maigrir et pose désormais toute en formes sur son compte Instagram. Desigual a flairé le bon filon et l’a choisie comme ambassadrice pour sa campagne de maillots de bains printemps-été 2017 intitulée « Un été sans complexes », aux photos non retouchées.
De body shaming à body positive
Le « body positive » est un mouvement féministe né en 1996 aux États-Unis à l’initiative de Connie Sobczak et Elisabeth Scott. Il consiste à accepter son corps et à affirmer qu’il n’y a pas qu’une seule beauté. Son objectif est de construire une société qui s’occupe de changer le monde et non pas les apparences physiques. Il dénonce notamment un idéal de beauté uniforme de femme blanche, grande, svelte et bien nantie.
Réaction au body shaming (jugement péjoratif du corps), le mouvement body positive est aussi une réponse à la mondialisation et à une société où diversité culturelle devient la norme. À l’heure où féminisme et affirmation des communautés LGBT prennent de l’ampleur, où les cultures en marge sont de plus en plus sur le devant de la scène, avec ses icônes alternatives, il devient de plus en plus difficile d’imposer un modèle de beauté unique.
La mode s’empare de cette tendance
Le body positive a débuté sur les réseaux sociaux, exprimant un ras-le-bol des diktats de la mode et d’un idéal de beauté figé, inatteignable pour une grande majorité des femmes. Des stars postent des photos d’elles sans retouches, au naturel. Lena Dunham, réalisatrice de la série « Girls », se montre nue à l’écran malgré son surpoids et son physique hors-norme pour le monde de la télé. Les coups de gueule d’anonymes, photos de vergetures à l’appui, se sont multipliés et des influenceuses à la beauté atypique encouragent les femmes à s’assumer, comme Jessamyn Stanley, passionnée de yoga, qui déconstruit le cliché de la yogi svelte et blanche.
La mode s’est à son tour emparée de la tendance body positive et de plus en plus de marques, telles que Asos ou Peter Hahn proposent des lignes grandes tailles. Les modèles atypiques ont le vent en poupe : on a vu Winnie Harlow (atteinte de la maladie vitiligo, une maladie de l’épiderme qui se caractérise par des taches blanches qui apparaissent et s’étendent sur la peau) poser pour Diesel, Andreja Pejic, née Andrej, est la muse de Jean-Paul Gaultier, Tara Lynn, mannequin taille 48 (bien loin des « mensurations requises » traditionnelles), fait régulièrement la Une du magazine Elle et Carmen Dell’Orefice, 83 ans, affirme qu’elle a fait plus de couvertures de magazines ces 15 dernières années que pendant toutes ses années de mannequinat.
Serait-ce bientôt la fin des diktats de la mode ?
Il faudrait pour cela considérer la mode comme une « volonté édictée par une puissance étrangère ». Or, après tout, celle-ci s’inspire des évolutions de son époque et propose des campagnes susceptibles de séduire le consommateur, dans la mesure où elle est aujourd’hui avant tout un marché. En diversifiant ses modèles, la mode serait alors le reflet d’un début d’acceptation de la diversité culturelle dans notre société : acceptation progressive du métissage et d’orientations sexuelles LGBT. Confrontées à un monde qui délaisse le réel pour le virtuel, les consommatrices seraient également plus attirées par le « vrai », avec des photos de femmes qui leur ressemblent.
Notons tout de même que l’attention est focalisée sur l’apparence du corps, au détriment de toute autre de ses caractéristiques. Une préoccupation pour le corps qui vire à l’obsession et qui contraste avec le mode de vie d’une majorité de la population, dont la journée est consacrée à faire travailler l’esprit. Le corps n’est plus qu’une enveloppe, image du degré de réussite de la personne.
La vraie révolution de nos jours serait peut-être dans la réduction de l’importance accordée à l’apparence de ce corps.